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TONY GARNIER, RETOUR AUX SOURCES - 7

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VII. Le « plus bel hôpital du monde » ?

Pour construire le nouvel hôpital, les Hospices civils acquièrent, à l’extrémité de l’ancien faubourg de Monplaisir, un terrain de quinze hectares formant un vaste « morceau de ville ». À proximité immédiate seront construits l’école d’infirmières, la faculté de médecine et le monument aux morts des services de santé. Cet hôpital de structure pavillonnaire aura une capacité de 1 300 lits. La Première Guerre mondiale va ralentir les travaux mais sans les interrompre complètement, car des prisonniers de guerre allemands sont mobilisés sur le chantier. Dans cette future « cité-jardin pour malades », parti architectural et projet urbanistique forment un tout. Tous les pavillons sont reliés entre eux par un réseau de galeries souterraines qui ne communiquent toutefois pas avec l’hôpital des contagieux, qui doit rester isolé. Le chantier est l’occasion pour Tony Garnier de faire appel à plusieurs innovations techniques. L’architecture repose sur la volumétrie, sans surcharge ni décor. La structure de l’ensemble reste simple, avec un ancrage au sol important, allégé par la disposition des cours anglaises plantées autour des bâtiments. Cet ensemble « ultramoderne » est inauguré le 12 mars 1933 par le président de la République, Albert Lebrun. C’est un succès immédiat. La presse ne tarit pas d’éloges, tout juste si Grange Blanche n’est pas, comme le suggère un journaliste, « le plus bel hôpital du monde » !

 

Mais l’évolution de la médecine au cours de la seconde moitié du XXe siècle et au début du suivant contribue à altérer cette conception, puis la structure bâtie elle-même. La capacité maximale de l’hôpital était fixée à l’origine à 1 500 lits, il en accueille 2 800 en 1960… De premiers travaux lourds de

restructuration commencent en 1956 sur le pavillon « I ». Il est bouleversé notamment par la création d’une hélistation sur la terrasse de l’aile Est. Les qualités patrimoniales du travail de Tony Garnier n’en ressortent pas grandies. En 1967, pourtant, la chapelle de l’hôpital a bien été inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, et l’architecte des Bâtiments de France est désormais consulté sur les travaux.

 

Au début des années 1990, les Hospices civils de Lyon s’interrogent même sur l’abandon du site, avant d’entamer une première phase de modernisation

pour maintenir une capacité de 1 000 lits et accueillir près de 290 000 consultations par an. L’hôpital doit être réorganisé par regroupement de plateaux techniques, tout en respectant quelques principes d’intervention. En 2006, la protection s’étend à de nouveaux bâtiments, mais exclut ceux qui font l’objet d’un projet de démolition ou de modification. Le pavillon « H » est ainsi entièrement démoli en 2017 puis reconstruit selon une échelle et une modénature incompatibles avec « l’esprit de Tony Garnier », malgré les engagements antérieurs des HCL. À partir de 2018, des spécialistes du patrimoine, des architectes et des historiens se constituent en collectif pour défendre l’hôpital et son architecture. Cette démarche aboutit, en mai 2020, à la création de l’Institut Tony Garnier sous forme associative. Cependant, l’état de l’hôpital altère la lecture d’ensemble de l’œuvre et son caractère urbain, nuisant au concept de « cité-jardin médicale » désormais mise en avant par les HCL. En outre, la restructuration annoncée des pavillons « E » et « F » risque de porter un nouveau coup à ce joyau de l’architecture hospitalière française.

Hôpital Grange Blanche, vue du chantier (v 1931) – Archives Ville de Lyon

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